Par Julien Martel — AFP
Le président argentin Javier Milei a subi dimanche un net revers électoral dans la puissante province de Buenos Aires, un résultat perçu comme un test majeur à un mois des élections législatives nationales. Avec 93 % des bulletins dépouillés, la coalition d’opposition péroniste Fuerza Patria a recueilli un peu plus de 47 % des voix contre près de 34 % pour La Libertad Avanza (LLA), le mouvement du chef de l’État.
Résultats et enjeux
La province de Buenos Aires représente plus d’un tiers de l’électorat argentin et constitue traditionnellement un bastion péroniste. Si la victoire de Fuerza Patria n’était pas inattendue, l’écart — d’environ treize points — a déjoué la plupart des sondages qui prévoyaient une course plus serrée.
- LLA (Javier Milei) : ~34 %
- Fuerza Patria (opposition péroniste) : >47 %
- Assemble provinciale renouvelée : LLA devrait doubler son groupe, passant de 12 à environ 24 sièges sur 92
Malgré la défaite locale, LLA pourrait renforcer sa présence dans l’assemblée provinciale à la faveur d’alliances — notamment avec le parti PRO de l’ex-président Mauricio Macri — et conserver ainsi une influence sur les décisions régionales.
Réactions politiques
À La Plata, Javier Milei a reconnu « une claire défaite » sur le plan politique mais a assuré que sa feuille de route économique ne changera pas : « nous allons l’approfondir et accélérer », a-t-il déclaré devant ses partisans. Dans le camp adverse, le gouverneur péroniste Axel Kicillof a appelé à un changement de cap et s’est présenté en alternative présidentielle possible pour 2027, accueilli sous les acclamations de ses soutiens.
Des responsables de LLA ont estimé que le vote reflétait le refus du populisme économique et a appelé à tirer les leçons du scrutin.
Contexte économique et institutionnel
Le scrutin intervient dans un contexte économique turbulent. Le gouvernement met en avant des résultats contre l’inflation — ramenée selon l’exécutif à 17,3 % sur sept mois depuis janvier, contre 87 % sur la même période en 2024 — mais ces gains ont été obtenus au prix de coupes budgétaires parfois douloureuses sur le plan social.
Le pouvoir a aussi été ébranlé par plusieurs dossiers : un scandale de présumés pots-de-vin touchant l’Agence nationale pour le Handicap et impliquant Karina Milei, sœur du président, a fragilisé l’exécutif; par ailleurs, le Parlement a annulé pour la première fois depuis le début du mandat présidentielle un veto du chef de l’État sur une loi de financement accru des personnes handicapées.
Sur le marché des changes, le gouvernement a entamé des interventions récentes pour contenir la dépréciation du peso, signe de nervosité des marchés après le résultat provincial.
Perspective nationale
Les analystes soulignent toutefois que ce résultat provincial ne préjuge pas nécessairement des élections de mi-mandat d’octobre, qui renouvelleront une partie du Parlement national. Les sondages montrent l’existence d’un socle dur de soutien à Milei, estimé autour de 40 % dans certaines enquêtes, ce qui laisse la scène politique nationale encore ouverte.
Les législatives à venir serviront de véritable baromètre pour mesurer l’ampleur du soutien populaire aux réformes ultralibérales engagées par le gouvernement.