Munich (Allemagne) — Le chancelier allemand Friedrich Merz a demandé mardi à l’Union européenne d’assouplir la réglementation prévoyant l’interdiction des ventes de voitures à moteur thermique à partir de 2035. Lors de l’ouverture du salon international de l’automobile de Munich, Merz a réaffirmé son soutien à la transition vers la mobilité électrique tout en appelant à une « réglementation européenne intelligente, fiable et souple ».
Une prise de position pour défendre l’industrie
Les propos du chancelier s’inscrivent dans un débat déjà vif entre Bruxelles, les constructeurs et une partie des acteurs du secteur. Les géants allemands — BMW, Mercedes, Volkswagen — ainsi que le groupe Stellantis ont exprimé leur scepticisme sur la faisabilité d’un passage intégral à l’électrique d’ici 2035. Oliver Blume, patron de Volkswagen, estimait récemment que « 2035 n’est pas atteignable » et réclamait des clauses de revoyure régulières.
Merz a défendu l’idée qu’imposer « une seule technologie » n’était pas la bonne voie et que la protection du climat devait être atteinte « de la manière la plus rentable possible », en laissant une marge de manœuvre aux industriels et aux territoires. Le chancelier a par ailleurs rappelé l’importance stratégique du secteur automobile pour l’économie allemande.
Des emplois et des usines en jeu
Le secteur traverse une période difficile. Selon le cabinet EY, l’industrie automobile allemande a perdu plus de 50 000 emplois en un an sur un total d’environ 800 000. Volkswagen a annoncé qu’il supprimerait 35 000 postes d’ici 2030 et fermerait la production dans deux usines en Allemagne. Porsche, Audi et des centaines de sous-traitants sont aussi concernés par des plans sociaux.
Des voix d’experts décrivent la situation comme critique pour l’économie nationale : Ferdinand Dudenhöffer, spécialiste du secteur, estime que « la situation est misérable pour l’économie allemande ». Face à ces tensions, Merz a annoncé la tenue prochaine d’une concertation impliquant régions et syndicats pour définir l’avenir du secteur.
Des positions divisées au sein de l’économie européenne
La demande allemande de « flexibilité » rejoint celle de salariés et d’employés du secteur. Plusieurs salariés présents au salon ont exprimé leur crainte pour l’emploi et leur souhait de voir la date de 2035 repensée, certains évoquant même un report de cinq à dix ans.
En revanche, plus de 150 entreprises – constructeurs de véhicules électriques, fabricants de batteries et opérateurs de recharge – ont publié un appel en sens inverse, exhortant la présidente de la Commission européenne à ne pas revenir sur l’objectif. Une rencontre est prévue entre des représentants du secteur et Ursula von der Leyen à Bruxelles à l’issue du salon pour discuter de ces enjeux.
La concurrence chinoise pèse
Au salon de Munich, la présence des constructeurs chinois est notable : une centaine d’exposants, soit une hausse significative depuis 2023. BYD a présenté sa compacte Dolphin Surf, commercialisée depuis mai autour de 20 000 euros et dont la production européenne doit démarrer en Hongrie fin 2025. L’objectif des marques chinoises est clair : capter une part importante du marché des petites voitures électriques en Europe.
Face à cette concurrence prix, Volkswagen prépare des modèles d’entrée de gamme pour 2026 à environ 25 000 euros. L’absence de Tesla à Munich, liée en partie aux tensions politiques autour de son dirigeant, a aussi laissé davantage de visibilité aux marques chinoises.
Quelles perspectives ?
La juxtaposition des impératifs climatiques, des contraintes industrielles et des pressions concurrentielles internationales fait de la fin des ventes de thermiques en 2035 un sujet explosif. Entre demandes d’assouplissement allemandes et appels au maintien des objectifs de la part des acteurs de la filière électrique, l’issue dépendra des arbitrages politiques à Bruxelles et des discussions auxquelles participeront bientôt constructeurs et institutions européennes.