Bloody Sunday : procès historique à Belfast d’un ancien soldat

Plus de cinquante ans après les faits, un ancien parachutiste britannique, désigné « soldat F », est jugé à Belfast à partir de lundi pour son rôle dans le Bloody Sunday, le massacre du 30 janvier 1972 à Londonderry/Derry où des soldats avaient tiré sur une manifestation catholique, faisant 13 morts.

Le procès

Accusé de deux meurtres, ceux de James Wray et William McKinney, et de cinq tentatives de meurtre, « soldat F » a plaidé non coupable en décembre lors d’une audience préliminaire. Pour des raisons de sécurité, l’ancien parachutiste comparaît derrière un écran qui protège son identité, protection qui doit être maintenue pendant la durée du procès selon la décision du juge.

Les poursuites contre cet homme avaient été engagées en 2019, puis abandonnées, avant d’être relancées en 2022. Le procès de Belfast constitue la première mise en jugement d’un membre des forces britanniques pour les événements de ce jour-là, marquant une étape judiciaire importante dans la mémoire des « Troubles ».

Contexte historique

Le 30 janvier 1972, des parachutistes britanniques avaient ouvert le feu sur une manifestation pacifique de militants catholiques à Londonderry/Derry. Treize personnes avaient été tuées. À l’époque, l’armée affirmait avoir répondu à des tirs de l’IRA, version d’abord soutenue par un rapport initial réalisé rapidement après les événements.

Malgré de nombreux témoignages contradictoires, il a fallu attendre 2010 et la publication du rapport d’enquête publique (Saville Inquiry) pour que soit officiellement reconnue l’innocence des victimes. Le Premier ministre britannique de l’époque, David Cameron, avait alors présenté des excuses publiques, qualifiant les faits d’« injustifiables ».

Mémoire et réactions

Une manifestation est prévue devant le tribunal lundi. « Nous avons attendu 53 longues années pour que justice soit faite et, espérons-le, nous obtiendrons satisfaction grâce à ce procès », a déclaré Tony Doherty, dont le père figure parmi les victimes, au média local Derry Now.

Le Bloody Sunday reste gravé dans la mémoire collective et a profondément marqué le déroulement des « Troubles » : l’événement a radicalisé de nombreux jeunes catholiques et contribué au renforcement des rangs de l’IRA. Le conflit nord-irlandais, qui a opposé républicains catholiques et unionistes protestants, a duré trois décennies et fait quelque 3 500 morts avant la signature de l’accord du Vendredi Saint en 1998.

Procédures et précédents

  • 2010 : publication du rapport d’enquête reconnaissant l’innocence des victimes.
  • 2019 : premières poursuites engagées contre « soldat F », puis abandonnées.
  • 2022 : relance des poursuites.
  • Depuis la fin des Troubles, seule une condamnation d’un ancien soldat a été prononcée en 2023 pour des faits datant de 1988.

Ce procès, très médiatisé au Royaume-Uni et en Irlande, est autant un enjeu judiciaire qu’un moment de mémoire pour les familles des victimes. Les audiences de Belfast seront suivies de près, tant pour leur portée locale que pour l’examen qu’elles font de la responsabilité des forces de l’ordre dans un chapitre sensible de l’histoire récente.

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