La Cour des comptes met en garde contre les conséquences financières et opérationnelles de la gratuité généralisée des transports en commun, dans un rapport publié lundi. Si la mesure peut aider de petits réseaux à gagner en fréquentation, elle apparaît coûteuse et inefficace pour réduire massivement l’usage de la voiture sur les grandes agglomérations.
Coûts élevés pour les grands réseaux
Les magistrats soulignent que la gratuité entraîne des pertes de recettes tarifaires importantes dans les réseaux étendus et déjà bien fréquentés. Ces pertes s’ajoutent à des dépenses supplémentaires : renforcement des fréquences, recrutement de personnels, et investissements pour absorber une demande accrue. La Cour estime que ces tensions financières peuvent compromettre des projets d’investissement prioritaires, notamment le verdissement des flottes et l’extension des lignes.
Un report modal limité, surtout sur courtes distances
Selon la Cour des comptes, la gratuité augmente la fréquentation surtout en centre-ville et pour des trajets courts. Cette hausse provient davantage d’usagers qui abandonnent la marche ou le vélo que de conducteurs de voitures. Autrement dit, l’objectif écologique d’un report massif de la voiture vers les transports collectifs reste largement insuffisant sur les grands réseaux.
Des résultats contrastés selon la taille des réseaux
Le rapport distingue clairement les petits réseaux, où la gratuité peut être une solution pertinente pour lutter contre la sous-utilisation, et les grands réseaux urbains, où la mesure apparaît coûteuse et peu efficiente. En France, une quarantaine de collectivités ont déjà instauré la gratuité (Dunkerque, Aubagne, Compiègne, la métropole de Montpellier, entre autres), tandis que des villes comme Bordeaux maintiennent des tarifs pour leur réseau.
Recommandations pratiques
La Cour propose plusieurs pistes pour limiter les effets négatifs observés :
- Recentrement des réductions tarifaires sur des critères sociaux et de ressources plutôt que sur une gratuité universelle.
- Renforcement de la lutte contre la fraude afin de préserver les recettes existantes.
- Obligation d’évaluations rigoureuses et publiques avant et après tout changement tarifaire majeur, pour mesurer l’impact réel sur la mobilité et les finances locales.
Le rapport rappelle que la gratuité n’est pas une panacée : elle exige des ressources pérennes pour financer l’exploitation et les investissements, faute de quoi la qualité du service et les programmes de transition écologique risquent d’être fragilisés.
Pour les collectivités, le défi reste d’équilibrer ambitions environnementales et soutenabilité financière. À défaut d’un modèle de financement clair, la gratuité généralisée pourrait se traduire par des économies reportées ailleurs : réduction d’entretien, retard dans le renouvellement des bus, ou limitation des extensions de réseau.
Ce diagnostic de la Cour des comptes intervient au moment où plusieurs collectivités examinent des mesures tarifaires. Les élus locaux devront désormais combiner objectifs sociaux, habitabilité des centres-villes et contraintes budgétaires pour définir des politiques de mobilité efficaces et durables.