Venezuela : Maduro utilise l’IA et Bolívar pour gonfler sa milice

Caracas multiplie depuis plusieurs semaines des vidéos générées par intelligence artificielle montrant des figures historiques vénézuéliennes exhortant la population à rejoindre la milice nationale. Objectif affiché du gouvernement de Nicolás Maduro : transformer un récit nationaliste en outil de mobilisation face aux tensions accrues avec les États‑Unis et aux accusations de trafic de drogue.

Des vidéos IA diffusées sur les réseaux et la télévision

Sous le hashtag #YoMeAlisto, des clips de moins d’une minute se propagent sur X, YouTube et la télévision d’État. On y voit des reconstitutions numériques de Simon Bolívar, Francisco de Miranda, Manuela Sáenz, Andres Eloy Blanco ou encore José Gregorio Hernández déclarer leur engagement et appeler les citoyens à s’enrôler dans la milice — force civile placée sous le commandement de l’armée.

Dans l’une de ces vidéos, le « clone » de Bolívar affirme : « Un peuple qui aime la liberté sera libre. Aujourd’hui, la liberté se défend avec votre voix et votre présence. Je m’engage ». Le gouvernement présente ces contenus comme autant de témoignages du soutien national au régime chaviste.

Des chiffres revendiqués par Caracas

  • Selon Nicolas Maduro, le nombre de miliciens aurait bondi à 8,2 millions en deux semaines, contre 4,5 millions annoncés fin août lors d’un précédent appel.
  • La milice vénézuélienne est composée majoritairement de civils organisés pour la défense nationale et fonctionne sous la tutelle des forces armées.

Instrumentalisation contestée de figures historiques

L’utilisation de personnalités historiques suscite des critiques. Le choix de José Gregorio Hernández, médecin populaire et figure religieuse, est particulièrement controversé : le président Maduro affirme qu’il aurait demandé « son fusil » pour défendre la patrie, affirmation contestée par des historiens.

L’historien José Juan de Paz, cité par la presse internationale, souligne la fragilité de telles reconstitutions : « Il n’y a aucune précision dans l’affirmation que José Gregorio Hernández a déjà touché une arme », et rappelle que la figure historique privilégiait le dialogue.

Vérité des images et guerre des récits

Caracas accuse à son tour Washington d’utiliser ou de diffuser des images manipulées. En début septembre, une vidéo montrant la destruction d’un navire a été publiée et débattue intensément : le gouvernement vénézuélien y voit une mise en scène destinée à justifier des actions américaines, tandis que des agences comme Reuters ont estimé que la vidéo semblait authentique mais poursuivent son examen.

Le recours à l’IA dans la communication d’État n’est pas nouveau au Venezuela : au début des années 2020, des présentateurs et journalistes synthétiques avaient déjà été employés par le régime pour tenter de « rassurer » la population sur la situation économique.

Contexte

Ces opérations interviennent dans un contexte de forte pression extérieure — sanctions, surveillance maritime et accusations liées au narcotrafic — et d’une stratégie interne de consolidation du soutien populaire autour d’un récit patriotique et historique. L’emploi de l’intelligence artificielle pour redorer ce récit pose toutefois des questions éthiques et factuelles, tant sur la véracité des messages que sur leur portée réelle auprès des jeunes générations.

Ce qu’il faut retenir : le régime vénézuélien utilise l’IA pour mettre en scène des héros nationaux et inciter à l’enrôlement dans la milice. Les déclarations de Caracas sur la croissance des effectifs sont revendiquées par le pouvoir mais contestées par des observateurs et des historiens, tandis que la controverse sur l’authenticité des images alimente la guerre de communication entre Caracas et Washington.

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