Sky ECC : la France saisit la CJUE sur preuves cryptées

La Cour de cassation a saisi la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) pour trancher une question lourde de conséquences : les personnes mises en cause dans des affaires de narcotrafic peuvent‑elles contester devant les juridictions françaises des éléments de preuve issus de messageries cryptées, lorsque ces éléments ont été collectés en France puis transmis à des autorités étrangères ?

Dans un arrêt rendu mardi et consulté jeudi, la plus haute juridiction judiciaire française estime que la réponse de la CJUE est « susceptible d’avoir des conséquences importantes, au regard tant des autres recours en annulation formés devant les juridictions françaises sur le même fondement que des nombreuses poursuites en cours (en) UE dans le cadre desquelles des personnes sont détenues ».

Le cas concret : Sky ECC et Tomislav M.

Le renvoi concerne un dossier précis : Tomislav M., mis en cause en Allemagne pour trafic de stupéfiants, conteste la régularité d’éléments initialement recueillis dans l’enquête française sur la messagerie cryptée Sky ECC. Ces éléments, versés ensuite aux autorités allemandes, ont alimenté une décision d’enquête européenne.

La cour d’appel de Paris avait déclaré son recours irrecevable en juin 2024. La Cour de cassation interroge désormais la conformité du droit français à la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, en particulier le droit à un recours effectif, lorsque les enquêtes sont d’abord conduites en France puis leurs éléments transférés à des États tiers au sein de l’UE.

Quels enjeux pour la justice et les enquêtes ?

  • Si la CJUE estime que le droit européen impose d’ouvrir des possibilités de recours supplémentaires, de nombreux dossiers fondés sur des contenus issus de messageries cryptées pourraient être remis en cause.
  • Les autorités craignent un impact sur des poursuites en cours dans plusieurs États membres, alors que les messageries chiffrées sont régulièrement utilisées par les réseaux de trafic de stupéfiants.
  • Un collectif d’avocats, la Joint Defense Team, a évoqué un possible « séisme juridique » et l’espoir d’une décision déclarant l’illégalité de certaines preuves issues de Sky ECC.

La question posée à la CJUE illustre le nouveau champ de bataille juridique entre les impératifs d’efficacité des enquêtes contre la grande criminalité organisée et la protection des droits fondamentaux garantis au niveau européen.

Les magistrats français demandent donc à la justice européenne de préciser si, et dans quelles conditions, les droits de la défense doivent être assurés quand des éléments collectés en France sont utilisés par d’autres États membres. La réponse devrait avoir des répercussions sur la marche des enquêtes transnationales et sur la validité des preuves obtenues via des plateformes chiffrées.

Contexte : Sky ECC a été au centre d’enquêtes internationales après la découverte d’échanges massifs entre criminels, suscitant des investigations coordonnées entre plusieurs pays européens.

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