La cour d’assises du Doubs, réunie à Besançon, a entendu jeudi le témoignage d’anciennes victimes présumées de l’anesthésiste Frédéric Péchier, mis en examen pour des empoisonnements entre 2008 et 2017. Huit ans après les faits, plusieurs patients ont décrit les séquelles et le choc psychologique dont ils disent souffrir après des arrêts cardiaques survenus au bloc opératoire.
Des témoignages lourds de conséquences
Parmi les témoins, Sandra Simard, alors âgée de 36 ans au moment du drame, a relaté son réveil en urgence après une opération du dos le 11 janvier 2017 : « Je me suis endormie le 11 janvier au matin et je me suis réveillée le 16, intubée, attachée et perdue. » Elle raconte des jours «très traumatisants», des hallucinations, de la paranoïa, un sternum fracturé lors d’un massage cardiaque et des séquelles neurologiques persistantes (problèmes de mémoire, grande fatigue, intolérance au bruit).
Sandra a dit avoir respecté la présomption d’innocence tout au long de la procédure mais ressent aujourd’hui un profond ressentiment face au comportement qu’elle perçoit comme du «mépris» de la part de l’accusé. «Le mépris blesse autant que la seringue qui vous empoisonne», a-t-elle déclaré devant la cour.
Un «cas alibi» et la recherche de réponses
Le dossier a aussi entendu Jean-Claude Gandon, 78 ans, opéré de la prostate le 20 janvier 2017 et victime, selon son récit, d’un empoisonnement aux anesthésiques locaux. Il s’agit, selon l’enquête, du seul patient directement anesthésié par Frédéric Péchier parmi la liste des victimes présumées ; les enquêteurs évoquent un possible «cas alibi». M. Gandon a dit vouloir surtout «savoir ce qui s’est passé».
Tensions entre soignants et accusations croisées
Un ancien collègue, Sylvain Serri, est également intervenu. Ancien ami de l’accusé, il affirme avoir subi un «pilori médiatique» après avoir été soupçonné. L’accusé, qui nie les faits, l’a un temps désigné comme responsable des actes. L’avocate générale Thérèse Brunisso a souligné que M. Serri avait, selon les investigations, eu «de multiples cas» d’empoisonnement parmi ses patients, dont trois mortels, tandis que la défense, représentée par Me Randall Schwerdorffer, accuse M. Serri d’avoir orienté l’enquête et d’avoir «manipulé» certains soignants, évoquant des motivations financières possibles.
Les faits reprochés et la procédure
- Accusé : Frédéric Péchier, ancien anesthésiste.
- Accusations : 30 empoisonnements présumés entre 2008 et 2017, dont 12 mortels.
- Arrestation : mars 2017 pour des faits liés aux arrêts cardiaques au bloc.
- Situation judiciaire : l’accusé comparaît libre et risque la réclusion criminelle à perpétuité.
- Prochaines étapes : verdict attendu le 19 décembre 2025.
Les auditions en cours cherchent à établir les circonstances exactes de ces arrêts cardiaques inexpliqués et à faire la lumière sur d’éventuelles responsabilités. Les témoignages des patients, souvent marqués par la douleur et l’incompréhension, ont constitué une part centrale des débats jeudi à Besançon.
La procédure reste complexe : outre les récits des victimes, l’instruction a mobilisé des analyses toxicologiques et des confrontations entre praticiens. Le procès doit encore permettre à la cour d’évaluer la consistance des éléments matériel et humain présentés par l’accusation et la défense avant le verdict attendu en décembre.