Armes à blanc converties en létales : menace croissante en Europe

Une enquête européenne met en lumière l’ampleur du trafic d’armes dites « à blanc » transformées pour devenir des armes à feu réelles, un phénomène qui alimente la délinquance et inquiète les autorités.

Des saisies massives révélatrices

Lors de l’opération Conversus fin 2021, les polices européennes ont saisi plus de 1 500 pistolets à gaz et d’alarme. Un nouveau coup de filet en avril 2024 a permis la confiscation d’environ 500 autres exemplaires, dont une partie pouvait être modifiée pour tirer des balles réelles. Europol qualifie ce trafic de menace sérieuse pour la sécurité publique.

Un marché bon marché et facile à transformer

Ces armes, commercialisées pour souvent moins d’une centaine d’euros, sont souvent des répliques très réalistes conçues pour tirer uniquement des munitions à blanc ou du gaz irritant. Leur conversion en armes létales est jugée techniquement simple, parfois réalisable avec des outils de bricolage courants. Europol alerte également sur le rôle futur potentiel de l’intelligence artificielle pour faciliter ces modifications.

  • Europol estime que les armes d’alerte et de signalisation converties pourraient représenter près de la moitié des armes illégales saisies dans certains pays.
  • Exemples statistiques: au Danemark elles faisaient partie des trois types d’armes les plus saisis en 2019; en Suède elles représentaient 30% des armes saisies; aux Pays-Bas environ 40%.

Une filière turque identifiée

Le trafic remonte aux années 1990 et s’est accentué depuis. Dès 2016, l’opération Bosphore avait ciblé des pistolets d’alarme et à gaz de manufacture turque transitant par la Bulgarie avant d’atteindre d’autres marchés européens, notamment par voie postale. Certains modèles turcs sont usinés dans des matériaux capables de résister à la pression d’une munition à balle et sont conçus de façon à rendre aisé le retrait d’un obturateur censé empêcher le passage du projectile.

Face à cette réalité, la Turquie a relevé ses standards de production en 2019 et l’Union européenne a adopté début 2025 des règles renforcées pour les armes d’alerte et de signalisation, avec des autorisations d’importation prévues à compter de février 2029. Toutefois, des experts soulignent le délai qui existe entre les textes et leur application nationale.

Actions nationales et limites

Plusieurs États, dont la France en 2024, ont déjà reclassé ces AAS comme armes à feu soumises à autorisation ou déclaration. En France les ventes de pistolets d’alarme se sont arrêtées, selon la chambre syndicale des armuriers. Pourtant, les flux illicites persistent et les filières restent à démanteler.

En décembre dernier, les autorités bulgares ont arrêté des individus dans un atelier où près de 244 pistolets avaient été convertis en armes de guerre. Les douanes bulgares relèvent que nombre de saisies 2024 ont eu lieu à la frontière turque.

Comment les criminels contournent la loi

Pour les réseaux de petite délinquance comme pour le crime organisé, ces pistolets d’alarme sont un moyen de contourner des legislations strictes et d’obtenir rapidement une arme pour asseoir une réputation sur le terrain. Certaines répliques sont livrées avec des marquages ou des couleurs vives mais sont noircies par les trafiquants pour ressembler à des armes létales.

En Grande-Bretagne des amnisties ciblées ont permis la récupération de plusieurs milliers d’unités ces derniers mois, preuve que la collecte peut réduire temporairement la circulation, mais les autorités européennes estiment que la lutte devra rester soutenue et coordonnée.

Sources: Europol, rapports douaniers et enquêtes nationales citées par les services de police scientifique et des experts du Small Arms Survey.

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