Bordeaux Métropole lance une offensive ambitieuse pour moderniser la mobilité urbaine avec la création de 180 nouvelles places d’autopartage. Cette initiative, portée par un appel à manifestation d’intérêt publié par la collectivité, témoigne d’une volonté politique forte de désengorger les rues bordelaises tout en offrant des alternatives concrètes à la possession automobile individuelle.
L’objectif affiché par les élus locaux est clair : diversifier l’offre de transport en complément des bus, tramways, RER métropolitain et autres modes de déplacement doux. Les opérateurs intéressés disposent jusqu’au 15 septembre 2025 pour déposer leur candidature, avec une mise en service programmée avant la fin de l’année. Une ambition qui contraste avec l’immobilisme habituel des grandes métropoles françaises face aux défis de mobilité.
Une stratégie territoriale face au défi urbain
Le dispositif proposé par Bordeaux Métropole révèle une approche pragmatique du partage automobile. Chaque opérateur retenu devra proposer entre une et trente stations, composées chacune de deux places de stationnement dédiées. Cette configuration permet d’accueillir jusqu’à trois opérateurs différents sur le territoire, ouvrant la voie à une concurrence saine et à l’émergence de nouveaux acteurs.
Actuellement, seul Citiz propose un service d’autopartage sur le domaine public bordelais, avec environ 200 véhicules déployés en Gironde et 9 000 conducteurs abonnés. Cette situation de quasi-monopole pourrait évoluer avec l’arrivée potentielle de nouveaux concurrents. Didier Jeanjean, adjoint au maire en charge des quartiers apaisés, assume cette stratégie de diversification : « Nous ne voulons pas mettre tous nos œufs dans le même panier ».
L’expérience malheureuse des Bluecub de Bolloré, brutalement supprimées en 2020, reste dans tous les esprits. Cette débâcle illustre parfaitement les dérives du capitalisme financiarisé, où les décisions prises dans des tours parisiennes impactent directement la vie quotidienne des habitants. Face à ces pratiques, les élus bordelais tentent de sécuriser le service par la diversification des opérateurs.
Modèles économiques et réalités du terrain
Le projet métropolitain privilégie l’autopartage « en boucle », où l’usager ramène le véhicule à son point de départ. Ce choix technique s’oppose au « free floating », où les voitures peuvent être abandonnées n’importe où, et à la « trace directe » permettant de rendre le véhicule dans une station différente. Nicolas Guenro, directeur général d’Autocool (opérant sous la marque Citiz), justifie cette orientation : « Actuellement, il n’y a pas de modèle économique pour le free floating auto ».
Cette analyse révèle les contraintes économiques pesant sur le secteur. Le free floating nécessite une flotte considérable dès le lancement, générant des coûts prohibitifs pour les opérateurs. Le modèle « en boucle » apparaît donc comme un compromis viable entre accessibilité du service et viabilité économique.
Les statistiques d’usage confirment l’efficacité de cette approche : 80% des usagers de Citiz ont définitivement renoncé à posséder une voiture personnelle. Cette « démotorisation » reste néanmoins marginale à l’échelle métropolitaine, avec 9 000 abonnés pour 850 000 habitants. L’autopartage demeure un service de niche, complémentaire aux autres modes de transport.
Critère | Citiz (existant) | Getaround | Nouvel AMI |
---|---|---|---|
Nombre de véhicules | 200 en Gironde | 600 actifs | Jusqu’à 180 places |
Modèle | En boucle | Entre particuliers | En boucle |
Abonnés/Usagers | 9 000 | Non communiqué | À déterminer |
Concurrence et nouveaux entrants sur le marché bordelais
L’écosystème bordelais de l’autopartage s’enrichit progressivement. Getaround revendique déjà « environ 600 voitures actives » dans l’agglomération et annonce une croissance de 15% des réservations annuelles. Cette plateforme se démarque grâce à son modèle économique : elle met en relation particuliers et professionnels louant leurs propres véhicules, stockés dans des parkings privés ou sur la voirie.
Cette diversité d’approches enrichit l’offre locale et répond à différents besoins. Getaround confirme sa volonté de candidater au nouvel appel d’offres pour « continuer à développer notre modèle d’autopartage entre particuliers ». La concurrence s’annonce donc serrée, avec des modèles économiques distincts mais complémentaires.
Les facteurs de bascule vers l’autopartage restent prévisibles : augmentation du prix des carburants, sensibilité environnementale croissante et surtout, possibilité de se passer de véhicule pour les trajets domicile-travail. Cette dernière condition demeure déterminante, révélant l’importance des politiques de transport public efficaces.
Impact territorial et perspectives d’avenir
Face aux critiques sur la réduction des places de stationnement, la Métropole brandit une étude de l’Ademe de 2022 démontrant qu’une voiture en autopartage libère entre 0,9 et 3 places de stationnement public. Plus significatif encore, elle remplace 5 à 8 voitures personnelles, générant un impact positif net sur l’espace urbain.
L’avenir du dispositif reste néanmoins suspendu aux décisions nationales. Bordeaux Métropole avait prévu une aide de 500 euros maximum pour encourager les automobilistes à abandonner leur véhicule polluant au profit de l’autopartage. Cette mesure, liée à la Zone à faibles émissions (ZFE), se trouve compromise depuis la suppression des ZFE par l’Assemblée nationale au printemps 2025.
Cette situation illustre parfaitement les contradictions de la politique nationale : d’un côté, on encourage les collectivités à innover en matière de mobilité durable, de l’autre, on supprime les outils réglementaires permettant de financer ces innovations. Les élus locaux se retrouvent une fois de plus pris en otage par l’instabilité des décisions parisiennes.
Les principales motivations pour adopter l’autopartage se résument ainsi :
- Économique : réduction significative des coûts liés à l’automobile
- Pratique : accès flexible à un véhicule sans contraintes de propriété
- Environnementale : diminution de l’empreinte carbone individuelle
- Urbaine : libération d’espace public pour d’autres usages
La Métropole attend désormais « les suites législatives définitives prévues à l’automne » concernant l’aide financière. Cette incertitude révèle la dépendance des territoires aux décisions nationales, freinant l’innovation locale pourtant si nécessaire face aux défis de mobilité urbaine.