Les organisations criminelles ne cherchent plus seulement le profit : elles tentent d’imposer un rapport de force face à l’État et de gagner en légitimité locale. Europol, chercheurs et faits récents en France montrent que la menace dépasse le simple trafic et touche la souveraineté des territoires.
Une menace politique et sociale, pas seulement économique
Le rapport SOCTA 2025 d’Europol alerte : la criminalité organisée « mine les fondations mêmes de la cohésion et de la stabilité politiques, économiques et sociales ». Au‑delà des gains financiers, certains réseaux cherchent à influer sur les institutions, à corrompre et à imposer des logiques d’emprise sur des territoires.
Des exemples concrets en Europe et en France
- En Italie, l’histoire de Cosa nostra et les attentats des années 1990 restent un exemple extrême de défi lancé à l’État.
- Aux Pays‑Bas et en Belgique, la montée de la violence liée aux trafics a forcé les autorités à revoir leur approche.
- En France, les attaques contre des établissements pénitentiaires au printemps 2025 et la distribution de fournitures scolaires par des trafiquants à Orange (Vaucluse) fin août 2025 illustrent la diversité des moyens d’influence : intimidation, violence et « prestations » sociales illégales.
Corruption, légitimité sociale et dissidence criminelle
La corruption systémique transforme des relations ponctuelles en partenariats durables entre sphère légale et illégale. Quand les gains illicites « ruissellent » dans des espaces économiquement fragiles, les réseaux obtiennent une forme de légitimité sociale : aides, emplois informels, services de proximité. Selon certains responsables de la gendarmerie, ces dynamiques peuvent conduire à une « dissidence criminelle », où une part de la population se tourne vers le pouvoir parallèle plutôt que vers l’État.
Territorialité et matérialité : des invariants à ne pas négliger
Si le numérique facilite les échanges, la criminalité reste souvent matérielle et territoriale : drogues, armes, marchandises illicites circulent physiquement, s’entassent, se stockent. La maîtrise des points d’entrée (ports, entrepôts) et des zones d’implantation permet aux réseaux de consolider leur emprise. C’est pourquoi la question de la géographie des réseaux criminels doit être centrale pour la politique de sécurité.
Technologie, hybridation et ingérence
Les nouvelles technologies servent d’outil aux organisations criminelles (messageries chiffrées, transactions en ligne), mais elles sont aussi instrumentalisées par des acteurs cherchant à déstabiliser des institutions. La notion d’hybridation — coopération ou instrumentalisation de groupes criminels par des acteurs géopolitiques — complexifie encore la menace.
Ce qu’exige la lutte : cartographier et réaffirmer l’autorité de l’État
Pour répondre à cette menace multidimensionnelle, il ne suffit pas de traquer les flux financiers. Il faut cartographier les réseaux, repérer les fragilités territoriales, adapter l’arsenal répressif et renforcer l’équipement et la formation des services d’enquête. La lutte contre la criminalité passe par la réaffirmation de la souveraineté de l’État sur son territoire, tant sur le plan matériel que symbolique.
En Nouvelle‑Aquitaine comme ailleurs en France, comprendre la territorialité des réseaux et leur capacité d’influence est indispensable pour protéger les institutions et prévenir l’enracinement d’un pouvoir parallèle.