Les cryptoactifs attirent des escrocs et provoquent des pertes souvent lourdes. Entre «dépeçage de cochon», «tirage de tapis» et manipulations de cours, les modes d’arnaque se multiplient alors que les investisseurs particuliers poursuivent leur quête de gain rapide.
Des pertes en forte hausse
Aux États-Unis, les cryptomonnaies ont représenté 26 % du total des pertes signalées en 2024 pour les fraudes où le mode de paiement est connu, contre seulement 9 % en 2020, selon la Federal Trade Commission (FTC). En Europe, Europol pointe les cryptoactifs comme le principal vecteur de la fraude à l’investissement. En France, l’Autorité des marchés financiers (AMF) relève une « forte concentration » d’escroqueries depuis 2023.
Trois schémas expliqués
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« Dépeçage de cochon » (pig butchering)
Les fraudeurs se font passer pour des influenceuses ou des personnes séduisantes sur les réseaux sociaux pour tisser une relation de confiance. Selon Margaux Frisque, avocate chez d & a partners, les victimes — souvent des hommes de 30 à 60 ans — sont « engraissées » par des échanges et des promesses, puis poussées à investir sur des plateformes frauduleuses. Une fois l’argent transféré, les escrocs bloquent les fonds et rompent tout contact.
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« Tirage de tapis » (rug pull)
Des équipes présentent de nouveaux projets séduisants en finance décentralisée (DeFi). Elles lèvent des fonds puis disparaissent avec les sommes collectées. L’avocat Jason Gottlieb résume : après avoir récolté l’argent, les initiateurs annoncent simplement « merci, c’est fini ». Certains rug pulls sont brutaux ; d’autres modifient les smart contracts pour siphonner progressivement les fonds ou empêcher la revente.
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« Pump and dump »
Courant sur les « meme coins », ce mécanisme consiste à gonfler artificiellement le cours pour que des initiés vendent au plus haut, laissant les investisseurs restants subir la chute. Sur les marchés traditionnels, des règles limitent ces pratiques ; dans l’univers crypto, la décentralisation rend la détection et la régulation plus difficiles.
Exemples marquants
Deux rug pulls très médiatisés remontent à 2021 : le développeur d’un projet NFT lié à un jeu de combat (Evolved Apes) a pris la fuite avec l’équivalent de 2,7 millions de dollars, et le token « Squidcoin », surfant sur le succès de la série télé, a entraîné des pertes estimées entre 2,5 et 3,5 millions de dollars.
Qui sont les victimes ?
Le FBI indique que la plupart des victimes ont entre 30 et 60 ans et recherchent activement des placements. Les fraudes peuvent aller des pertes financières à des conséquences psychologiques importantes. Une opération lancée en janvier 2024 a permis d’éviter plus de 400 millions de dollars de pertes, selon le FBI.
Comment se protéger ?
- Se méfier des sollicitations sentimentales ou des promesses de rendement faciles via les réseaux sociaux.
- Vérifier la réputation d’un projet et l’identité de ses créateurs ; rechercher des audits indépendants du code.
- Prendre garde aux smart contracts : une modification du contrat peut permettre aux initiateurs de bloquer les ventes ou d’ajouter des frais cachés.
- Si vous détenez vous-même vos clés privées, adoptez un niveau de vigilance maximal : comme le rappelle Margaux Frisque, il faut être « ultra-informé, ultra-préparé et ultra-méticuleux » car on est sa propre banque.
- Privilégier les plateformes régulées pour acheter et conserver des actifs, et signaler toute tentative d’escroquerie aux autorités compétentes.
Les cryptoactifs offrent des opportunités d’investissement mais aussi des risques exacerbés par l’anonymat, la décentralisation et l’absence d’intermédiaires traditionnels. Informer les épargnants et renforcer la vigilance restent essentiels pour limiter l’ampleur de ces arnaques.