Drapeau palestinien sur les mairies le 22 septembre : risque juridique

Le 22 septembre, date annoncée de la reconnaissance par la France d’un État palestinien, plusieurs maires pourraient être tentés d’apposer le drapeau palestinien au fronton des bâtiments communaux après l’appel d’Olivier Faure sur X. L’initiative a immédiatement déclenché un vif échange avec Bruno Retailleau, et relance une question juridique déjà tranchée à plusieurs reprises par les tribunaux administratifs : les édifices publics peuvent-ils arborer des signes exprimant une opinion politique ?

Le principe de neutralité en jeu

Au centre du débat figure le principe de neutralité des services publics, rappelé de longue date par la jurisprudence administrative. Le Conseil d’État, dans un arrêt de 2005 au sujet d’un drapeau indépendantiste apposé sur la mairie de Sainte-Anne (Martinique), avait considéré que « le principe de neutralité des services publics s’oppose à ce que soient apposés sur les édifices publics des signes symbolisant la revendication d’opinions politiques, religieuses ou philosophiques ». Depuis, les juges administratifs appliquent ce principe pour apprécier la légalité des drapeaux installés sur les frontons communaux.

Des décisions récentes et des injonctions

  • En juin dernier, plusieurs tribunaux administratifs ont enjoint des mairies de retirer des drapeaux palestiniens : Mitry-Mory, Besançon et Gennevilliers.
  • À Nice, le retrait d’un drapeau israélien avait également été ordonné après une saisine de particuliers.
  • Ces procédures ont parfois été lancées par les préfets en référé. Les préfets relèvent hiérarchiquement du ministère de l’Intérieur : certaines de ces saisines ont eu lieu alors que Bruno Retailleau était en charge de ce ministère.

Les juridictions ont généralement estimé que, même invoquée au titre d’un geste de solidarité humanitaire, la présence d’un drapeau s’analyse comme l’expression d’un soutien à une entité politique et relève donc d’une opinion politique incompatible avec la neutralité des édifices publics.

La comparaison avec l’Ukraine

Les opposants à l’interdiction rappellent toutefois un précédent : depuis 2022 plusieurs communes avaient déployé le drapeau ukrainien après l’agression russe. Le tribunal administratif de Versailles, saisissant le cas de Saint-Germain-en-Laye en décembre 2024, avait estimé que l’apposition du drapeau ukrainien s’inscrivait dans un contexte national de soutien diplomatique, humanitaire et matériel porté par l’État français, et ne manifestait pas la revendication d’opinions politiques locales.

Olivier Faure a justement invoqué cette décision pour défendre la légalité d’un déploiement palestinien le 22 septembre : selon lui, la reconnaissance par la France d’un État palestinien constituerait un contexte analogue. Sur ce point, la question restera d’interprétation et dépendra de l’appréciation au cas par cas des tribunaux administratifs si des référés sont déposés.

Ce qui va se jouer

Si des mairies apposent le drapeau palestinien le 22 septembre, il est probable que des recours seront engagés, soit par des particuliers, soit par les préfets. Les juges devront alors trancher entre le respect du principe de neutralité et l’éventuelle existence d’un contexte national de reconnaissance et de soutien diplomatique équivalant à celui qui avait justifié l’exemple ukrainien.

En attendant, le débat reste essentiellement politique et juridique : entre appels à la solidarité et impératifs de neutralité républicaine, ce dossier illustre la porosité entre gestes symboliques locaux et choix diplomatiques nationaux.

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