Washington. La publication des bonnes feuilles du livre de Kamala Harris, intitulé 107 jours, a déclenché une onde de choc au sein du Parti démocrate et relancé le débat sur les responsabilités de la campagne présidentielle de 2024.
Des révélations qui interrogent l’entourage de Biden
Parues la semaine dernière dans la presse américaine, des extraits du récit de campagne de l’ancienne candidate montrent une Harris pugnace, qui ne ménage ni l’entourage de Joe Biden ni certaines figures du parti. L’ancienne colistière de Biden accuse le Parti démocrate d’une certaine «imprudence» en ayant laissé à l’ancien président la décision de se représenter, tout en reconnaissant dans une interview à MSNBC qu’elle se considère «la plus mal placée pour argumenter en faveur d’un retrait», ce qui aurait pu être perçu comme «infiniment opportuniste».
Dans son livre, Harris évoque le 21 juillet 2024, date qu’elle présente comme révélatrice de doutes sur l’état de santé de Joe Biden. Elle écrit toutefois qu’elle ne pensait pas que l’ancien président fût incapable de briguer un second mandat, une version qui diffère des révélations publiées au printemps par deux journalistes dans Le péché originel (CNN/Axios), qui dénonçaient des «dissimulations» autour de la santé présidentielle.
Anecdotes sur le choix du colistier et réactions dans le parti
Le livre contient plusieurs anecdotes sur le choix du colistier. Harris rapporte avoir écarté Pete Buttigieg, qu’elle dit avoir jugé inadapté au ticket pour des raisons liées à l’image électorale : «Un homosexuel sur une liste menée par une femme noire mariée à un juif était trop demander à l’Amérique», écrit-elle. Pete Buttigieg s’est dit «surpris» par ce passage. L’ancienne candidate évoque aussi Josh Shapiro, alors pressenti, et relate une anecdote sur ses prétentions, qui a poussé le gouverneur de Pennsylvanie à souligner qu’Harris devra «répondre de la façon dont elle était présente dans la pièce et n’a pourtant jamais rien dit publiquement».
Harris critique également Gavin Newsom, qu’elle accuse d’avoir refusé un appel de soutien après le retrait de Biden, et se montre déçue par la performance de Tim Walz, finalement choisi comme colistier, jugée insuffisante lors d’un débat face à JD Vance.
Un exutoire personnel, selon les observateurs
Pour certains observateurs, comme David Axelrod, conseiller de Barack Obama, la publication apparaît contre-productive : «S’il y a une stratégie politique [dans la publication de ce livre], elle est mauvaise», a-t-il réagi, déplorant la liste des «griefs et reproches» adressés par Harris. Le récit est vu par beaucoup comme un exutoire dans lequel l’auteure tente d’expliquer sa défaite face à Donald Trump, qu’elle impute au manque de temps et, parfois, à ses propres erreurs.
Dans des interviews données à la télévision américaine au moment de la sortie, Harris a tenté d’atténuer certaines formulations tout en réaffirmant ses critiques du président Trump, qualifié à ABC de «tyran». Interrogée sur ses relations futures avec les figures du parti et sur une éventuelle candidature en 2028, elle a déclaré qu’elle ne souhaitait «pas se brouiller avec quiconque» et que 2028 «n’est pas sa priorité pour le moment».
Ce que retient le Parti démocrate
- Le livre ravive des questions internes sur la gestion de la succession Biden en 2024.
- Plusieurs responsables démocrates ont réagi publiquement, certains exigeant des clarifications sur la présence de Harris dans les décisions.
- La publication alimente un débat plus large sur la stratégie et l’image du parti face à l’opposition républicaine.
Au-delà des polémiques, 107 jours met en lumière les tensions internes au Parti démocrate trois ans après l’élection et souligne combien les récits personnels des acteurs de la campagne peuvent redessiner l’histoire politique immédiate aux États-Unis.
