En ce mois d’août 2025, l’Allemagne opère un tournant militaire significatif sous l’impulsion du chancelier Friedrich Merz. Face à l’escalade des tensions avec la Russie, Berlin réactive progressivement un dispositif abandonné il y a plus d’une décennie. Cette évolution marque un changement radical dans la politique de défense allemande, jusqu’ici réticente à tout renforcement militaire d’envergure.
Le retour progressif du service militaire en Allemagne
Le Conseil des ministres allemand vient d’approuver un projet de loi réintroduisant le service militaire sur une base volontaire. Cette mesure, adoptée le 28 août dernier, prévoit un engagement de six mois pour renforcer les rangs de la Bundeswehr. Cette décision survient quatorze ans après l’abandon de la conscription obligatoire en 2011, mesure qui avait alors symbolisé la fin définitive de l’ère post-Guerre froide.
Le ministre de la Défense Boris Pistorius n’a pas caché les motivations derrière ce revirement : « La posture agressive de la Russie rend cette évolution absolument nécessaire ». Les effectifs militaires allemands stagnent depuis des années, malgré les engagements pris auprès de l’OTAN. Selon les données du ministère de la Défense, la Bundeswehr compte actuellement moins de 180 000 soldats, bien loin des 250 000 jugés nécessaires pour assurer pleinement la sécurité du pays.
Le texte, qui sera prochainement soumis au vote du Bundestag, pourrait connaître d’importantes modifications sous la pression de la CDU. Le parti conservateur défend une position plus radicale : si le volontariat s’avère insuffisant, le retour à un service obligatoire serait envisagé. Cette position reflète l’inquiétude croissante face à un voisin russe perçu comme menaçant aux portes de l’Europe.
Année | Événement | Impact sur la défense allemande |
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2011 | Suppression du service militaire obligatoire | Réduction des effectifs de la Bundeswehr |
2022 | Invasion russe en Ukraine | Annonce du fonds spécial de 100 milliards d’euros |
2025 | Réintroduction du service volontaire | Première étape vers un possible retour de la conscription |
La menace russe comme catalyseur du réarmement
L’annexion de la Crimée en 2014, puis l’invasion à grande échelle de l’Ukraine en 2022, ont provoqué un électrochoc à Berlin. La proximité géographique du conflit a réveillé des craintes que l’on croyait définitivement enterrées avec la chute du Mur. L’agressivité croissante du Kremlin a contraint les dirigeants allemands à reconsidérer fondamentalement leur politique de défense.
Ce réveil militaire allemand se matérialise par plusieurs décisions concrètes :
- L’augmentation substantielle du budget de la défense, passant de 1,3% du PIB en 2021 à près de 2,1% en 2025
- Le déploiement d’une brigade permanente en Lituanie, aux frontières directes de la Russie
- Le développement accéléré de nouvelles capacités de défense aérienne
- La modernisation de l’équipement des forces terrestres
Le tournant opéré par Berlin s’inscrit dans un mouvement plus large de réarmement occidental. La Finlande et la Suède ont rejoint l’OTAN, tandis que la Pologne consacre désormais plus de 4% de son PIB à la défense. Même la France, malgré ses difficultés budgétaires, a accéléré sa remontée en puissance militaire.
Cette nouvelle posture allemande, impensable il y a encore quelques années, illustre à quel point les lignes ont bougé en Europe. La paix perpétuelle que l’on croyait acquise après la chute de l’URSS n’est plus qu’un souvenir. Les discours pacifistes qui dominaient encore la vie politique allemande semblent aujourd’hui totalement déconnectés des réalités géopolitiques.
Vers un réveil de la puissance militaire allemande
Cette réforme s’inscrit dans une transformation plus profonde de l’Allemagne sur la scène internationale. Le gouvernement Merz rompt clairement avec l’ère Merkel, marquée par une certaine naïveté face à la Russie et une dépendance énergétique qui s’est avérée désastreuse. Berlin semble enfin comprendre que la sécurité européenne ne peut reposer uniquement sur le parapluie américain et les bonnes intentions.
La conscription, même dans sa version actuelle limitée aux volontaires, représente un changement psychologique majeur. L’Allemagne renoue avec l’idée que ses citoyens doivent contribuer directement à la défense nationale. Les jeunes Allemands, qui n’ont connu que la paix et la prospérité, sont désormais confrontés à une réalité plus rude.
Les implications pour l’équilibre européen sont considérables. Une Allemagne réarmée modifie profondément la dynamique au sein de l’Union Européenne et de l’OTAN. Paris observe avec un mélange d’intérêt et d’inquiétude cette métamorphose de son partenaire traditionnel. Le tandem franco-allemand, déjà fragilisé ces dernières années, pourrait soit se renforcer autour d’une vision commune de la défense européenne, soit se distendre davantage si Berlin privilégie l’axe transatlantique.
Cette évolution, si elle se confirme, marque un tournant historique pour un pays qui avait fait de la retenue militaire un pilier de son identité d’après-guerre. Le pacifisme allemand cède désormais le pas au réalisme géopolitique. La Bundeswehr, longtemps parent pauvre des politiques publiques, redevient progressivement un instrument crédible de puissance nationale.