Une étude de la Banque des Territoires alerte sur une tension majeure : les bailleurs sociaux ne disposeraient pas des moyens financiers nécessaires pour à la fois maintenir un rythme élevé de construction de logements sociaux et mener la rénovation nécessaire pour atteindre la neutralité carbone en 2050.
Deux objectifs contradictoires, selon les scénarios
La Banque des Territoires a modélisé plusieurs scénarios. Si le secteur conserve l’objectif ambitieux de 100 000 nouvelles constructions par an — fixé dans le pacte signé en février entre le ministère du Logement et le mouvement HLM — alors les capacités de réhabilitation seraient contraintes : la projection fait apparaître une moyenne de 82 000 réhabilitations par an, ce qui conduirait à n’atteindre qu’environ la moitié des objectifs de la Stratégie nationale bas‑carbone (SNBC) en 2050.
À l’inverse, un scénario qui prioriserait les travaux de rénovation pour se rapprocher de la neutralité carbone limiterait fortement la production de nouveaux logements : dans ce cas, seuls 46 000 logements neufs par an pourraient être produits en moyenne.
Un compromis insuffisant
Pour tenter d’aplanir la contradiction, la Banque des Territoires propose un compromis : créer 75 000 nouveaux logements par an et rénover 5,3 millions de logements entre 2024 et 2050. Mais cette option ne permettrait pas non plus de remplir totalement les objectifs climatiques fixés par la SNBC à l’horizon 2050.
« Le niveau de fonds propres des bailleurs sociaux ne permet pas de traiter à un niveau ambitieux les deux exigences qui pèsent sur le secteur », résume Kosta Kastrinidis, directeur adjoint de la Banque des Territoires.
Des pistes mais pas de solution miracle
Pour « retrouver des capacités d’investissement », l’étude évoque plusieurs leviers : un renfort du soutien des actionnaires et des organismes de tutelle, le développement de nouvelles recettes (production d’énergies renouvelables par les bailleurs, création de logements intermédiaires aux loyers plus élevés).
Par ailleurs, la facture des rénovations pourrait encore augmenter : il faudra prendre en compte des adaptations supplémentaires face aux risques climatiques — inondations, retrait‑gonflement des argiles — dont l’évaluation des besoins est encore incomplète.
Des besoins pressants
Le contexte social renforce l’urgence des décisions : plus de 1,8 million de ménages attendent un premier logement social et près de 870 000 ménages déjà logés dans le parc social attendent un relogement ou une amélioration. Le pacte signé avec l’État vise également à rénover ou changer le mode d’énergie de 120 000 à 130 000 logements et à faciliter l’accession sociale à la propriété, mais le financement de ces engagements reste la question centrale.
Au terme de l’étude, le message est clair : sans apports financiers significatifs ou nouveaux modèles économiques pour les bailleurs, la France devra arbitrer entre construction et décarbonation — ou accepter que les deux objectifs ne soient pas pleinement atteints.