La cour d’assises de Laon examine, de lundi à mercredi, l’un des cold cases les plus anciens à aboutir à un procès en France. Trente-et-un ans après le décès de Nadège Desnoix, 17 ans, un homme a été renvoyé devant les juges pour son meurtre commis en mai 1994 près de Château-Thierry (Aisne).
Des indices ténus puis une percée ADN en 2021
Le corps de la lycéenne, qui fréquentait une classe de première, avait été découvert lacéré de coups de couteau dans un chemin de traverse menant à son établissement. Près de ses affaires, les enquêteurs avaient trouvé une cordelette en nylon et une rose fraîchement cueillie. L’autopsie n’avait pas révélé de traces d’agression sexuelle, et le dossier était rapidement devenu un mystère faute d’éléments probants.
Plusieurs pistes furent explorées au fil des années — témoins aperçus au café du coin, suspects possibles, voire la comparaison avec des affaires de tueurs en série — sans aboutir. Des empreintes génétiques figuraient toutefois parmi les indices retrouvés sur les vêtements de la victime, mais aucune correspondance n’avait été établie dans les bases de données de l’époque.
Le dossier a connu un rebondissement décisif en 2021. De nouvelles expertises sur les scellés ont permis de retrouver une correspondance entre l’ADN prélevé sur le chouchou que Nadège portait et celui de Pascal Lafolie, âgé aujourd’hui de 58 ans, dont un prélèvement figura dans le cadre d’une affaire de violences conjugales.
Des aveux initiaux, puis des reculs
Interpellé après cette découverte, Pascal Lafolie a d’abord passé aux aveux, déclarant notamment : «Je ne pensais pas que ça finirait en meurtre pour une fellation». L’homme, déjà condamné en 1997 et 2002 pour des faits de viols et d’agressions sexuelles qui, selon l’enquête, se seraient déroulés dans des circonstances similaires, est depuis revenu sur certains propos.
Sa défense, représentée par Me Justine Devred, évoque des «trous de mémoire» liés à des faits remontant à plus de trente ans. Selon la version donnée par l’accusé, il était présent sur les lieux avec son frère le jour des faits et aurait tenté d’empêcher ce dernier de commettre des violences. Les enquêteurs ont toutefois écarté l’implication du frère, décédé quelques mois avant l’interpellation de Pascal Lafolie, et s’interrogent sur la cohérence des déclarations.
Les familles en attente de vérité
La mère de Nadège, partie civile, espérait depuis longtemps ce procès. Me Arnaud Miel se dit «favorablement surpris» qu’un procès ait pu être tenu : «C’est un miracle qu’on en soit là», a-t-il déclaré. Les frères et la sœur de la victime, représentés par Me Gérard Chemla, attendent des réponses après trois décennies d’attente.
Si l’accusé est reconnu coupable, il encourt une peine pouvant aller jusqu’à trente ans de réclusion criminelle. Le procès de Laon devra trancher sur la valeur des éléments scientifiques et des contradictions dans les témoignages, afin d’éclaircir définitivement ce drame ancien.