Marseille, 16 septembre 2025 — La cour d’assises d’appel des Alpes-Maritimes a prononcé, mardi 16 septembre, la peine de perpétuité à l’encontre d’El Kabir M’Saidie Ali, reconnu coupable dans l’affaire d’un jeune retrouvé torturé dans la cité Félix-Pyat, un dossier devenu symbole des violences liées au trafic de drogue à Marseille.
Le verdict et les chefs d’accusation
Le condamné, âgé de 20 ans au moment des faits, assurait ne pas être impliqué. La cour a assorti la peine d’une période de sûreté de vingt-deux ans. En première instance, il avait été condamné à vingt-cinq ans de réclusion pour séquestration accompagnée d’actes de torture et de barbarie.
Les faits reconstitués
- Été 2019 : un adolescent fugue de son foyer à Chartres et rejoint Marseille, attiré par le « mirage » de l’argent facile.
- Il tente de revendre de la drogue dans la cité Félix-Pyat et est rapidement repéré.
- Il est séquestré dans un local associatif, ligoté, dépouillé de ses vêtements, bâillonné et torturé : brûlures de cigarettes en grand nombre, brûlures au chalumeau sur les parties génitales, selon les constatations médicales et les témoignages.
- La victime a été soignée un mois au service des grands brûlés puis placée sous protection policière. Elle est aujourd’hui hospitalisée en psychiatrie et sous curatelle renforcée.
Procédure et éléments d’identification
Lors du procès en appel, la défense a nié l’implication de M. M’Saidie et contesté la fiabilité des témoignages. Toutefois, plusieurs éléments ont été retenus : des témoignages sous X ont identifié le prévenu et la victime l’a reconnu lors d’une reconnaissance vocale. M. M’Saidie a affirmé se trouver dans la région lyonnaise au moment des faits, sans produire d’éléments probants pour l’étayer.
Parcours de la victime et conséquences
La victime est issue d’une famille réfugiée de la République démocratique du Congo et a été placée dès l’âge de 2 ans. À 16 ans, elle fugue de son foyer et rejoint Marseille. Son avocat, Me Xavier Torré, a décrit un jeune sans repères, victime du « mirage » des réseaux de trafic.
« Il n’a plus de moteur. Sa vie s’est arrêtée. C’est un mort‑vivant », a résumé l’avocat concernant l’état actuel du jeune.
Autres condamnations et contexte
Entre 2022 et 2023, plusieurs personnes impliquées dans la même affaire ont été condamnées à des peines allant de cinq à dix ans. L’avocate générale avait requis trente ans contre M. M’Saidie en appel ; la défense a dénoncé des incohérences dans les témoignages et estimé que les faits avaient été exagérés : « Tout a été grossi pour présenter M. M’Saidie comme un monstre », a plaidé Me Kim Camus.
Enjeux plus larges
Cette affaire a relancé les inquiétudes sur le recrutement de mineurs via les réseaux sociaux et sur les mécanismes de violence au sein des points de deal marseillais. Plusieurs magistrats évoquent désormais des situations qui s’apparenteraient, selon eux, à de la traite d’êtres humains, et réfléchissent aux mesures nécessaires pour extraire ces jeunes de la spirale criminelle.
La décision de la cour d’assises d’appel marque une étape importante dans un dossier qui a mis en lumière la vulnérabilité des jeunes fugueurs et la violence extrême dont ils peuvent être victimes dans certains quartiers de Marseille.