La cour d’assises du Doubs a examiné mardi 16 septembre le dossier de l’ancien anesthésiste Frédéric Péchier, poursuivi pour une trentaine d’empoisonnements de patients, dont douze mortels, survenus dans deux cliniques privées de Besançon entre 2008 et 2017. L’audience s’est notamment concentrée sur le cas de Jean‑Claude Gandon, 70 ans en janvier 2017, dont l’arrêt cardiaque — attribué à une injection de mépivacaïne dans une poche de paracétamol — a relancé les soupçons contre le praticien.
Le dossier Gandon au centre des débats
Le cas de M. Gandon est le seul où l’arrêt cardiaque est survenu alors que l’anesthésiste mis en cause assurait lui‑même l’anesthésie. Selon l’enquête, la poche de paracétamol administrée au patient avait été polluée à la mépivacaïne, un anesthésique local. Le patient a été réanimé grâce à l’administration d’intralipides et assiste aujourd’hui aux débats.
Témoignages glaçants au procès
À la barre, Ludivine Gladoux, alors élève infirmière anesthésiste, a raconté avoir constaté qu’une poche de paracétamol semblait « étrangement humide » et en avoir posé une seconde. Elle a dit avoir prévenu le docteur Péchier, qui lui aurait proposé de faire une pause-café. À son retour, le patient faisait un arrêt cardiaque. En sanglots, l’infirmière a déclaré : « Je ne fais pas ce métier pour ça, j’étais étudiante. J’ai été piégée, j’ai cru que j’avais fait une connerie ».
Un autre témoin infirmier a expliqué avoir fourni, à la demande du médecin, du potassium — un produit pointé par l’accusation puisqu’il a été impliqué dans l’arrêt cardiaque d’une autre patiente, Sandra Simard, âgée de 36 ans. Sous interrogation, la témoin a reconnu que l’armoire à médicaments de son service n’était pas fermée à clé, et que l’accès aux produits pouvait être libre.
Les arguments de l’accusation et de la défense
Pour l’accusation et une partie des parties civiles, la chronologie des événements près du bloc et le comportement allégué du praticien dessinent un scénario volontaire : selon Me Stéphane Giuranna, « le cluedo est terminé », arguant que la pause ordonnée par l’anesthésiste aurait permis à ce dernier de polluer la poche.
La défense, assurée désormais par Me Randall Schwerdorffer après le retrait de son confrère Me Lee Takhedmit (pour des « divergences de vue »), conteste ces interprétations. Le conseil de la défense souligne les zones d’ombre, l’absence de preuve directe d’un geste criminel et les conditions de stockage des médicaments qui pourraient expliquer des accès ou des manipulations indépendants du praticien.
Statut de l’accusé et suite du procès
Agé de 53 ans, Frédéric Péchier clame son innocence et comparaît libre. Il encourt la réclusion criminelle à perpétuité. Le procès porte sur une série de faits graves qui ont profondément marqué les équipes soignantes et les familles des victimes. Le verdict est attendu le 19 décembre.
Ce procès soulève des questions sur la sécurité des médicaments en milieu hospitalier, la gestion des stocks et les procédures de contrôle dans les cliniques privées, autant d’éléments qui continueront d’être scrutés au fil des audiences.