La cour d’assises du Doubs a consacré sa cinquième journée d’audience, vendredi 12 septembre, aux gestes de secours prodigués par l’ancien anesthésiste Frédéric Péchier lors d’un arrêt cardiaque survenu le 11 janvier 2017. Ce cas, celui de Sandra Simard, est au cœur des débats techniques entre experts et oppose l’accusation et la défense sur la question d’un possible empoisonnement par potassium.
Un geste qui interroge
Selon l’acte reconstitué devant la cour, la patiente a subi un arrêt cardiaque alors qu’elle était placée sous la responsabilité d’une autre anesthésiste. Frédéric Péchier, venu porter secours, a administré du gluconate de calcium dans la poche de perfusion de la victime. Ce produit peut améliorer la tolérance cardiaque à une hyperkaliémie, une concentration élevée de potassium dans le sang.
Pour l’accusation et plusieurs témoins, ce geste pose question. Sébastien Pili-Floury, chef du service de réanimation du CHU de Besançon, a expliqué devant la cour qu’en l’absence d’information sur une intoxication au potassium, l’administration de gluconate de calcium «n’est pas recommandée». Il a tiré deux hypothèses : soit l’acte traduisait une incompétence, soit le médecin savait que la patiente souffrait d’une hyperkaliémie.
Des avis d’experts divergents
En revanche, le docteur Romain Jouffroy, anesthésiste-réanimateur à l’AP-HP, a nuancé cette position. Il a indiqué qu’en situation d’arrêt cardiaque, certains praticiens peuvent suspecter une hyperkaliémie à partir d’un faisceau d’éléments cliniques et décider d’administrer du gluconate de calcium, même si la pratique n’est pas strictement «protocolaire» dans tous les établissements.
L’avocate générale Christine de Curraize a demandé s’il était logique d’agir sans interroger l’anesthésiste responsable de la patiente. Le témoin a reconnu que «non», il n’aurait pas dû le faire sans échanges. La défense, représentée par M e Randall Schwerdorffer, a répondu que «chaque médecin développe ses propres protocoles» et rappelé que la médecine n’est pas une science exacte.
Contexte de l’accusation et calendrier
L’accusation a par ailleurs souligné la «consommation particulièrement accrue de potassium» par Frédéric Péchier en 2016, période où plusieurs empoisonnements présumés se seraient produits. L’ancien anesthésiste, qui clame son innocence, comparaît libre mais encourt la réclusion criminelle à perpétuité. Il est mis en cause dans une série de trente empoisonnements, dont douze mortels.
Ne pouvant s’exprimer devant la cour avant sa prochaine audition programmée le 22 septembre, l’accusé a dit à France 3 Franche-Comté regretter de ne pas pouvoir réagir aux «choses qui sont fausses». Le procès doit aboutir à un verdict attendu le 19 décembre.