Dans une France où les apprentis du bâtiment se font rares, certains artisans osent encore parier sur l’avenir. À Saintes, Stève Allamargot, entrepreneur en peinture et rénovation de 46 ans, illustre cette approche audacieuse qui consiste à faire confiance aux débutants. Contrairement aux discours lénifiants des instances parisiennes sur l’emploi des jeunes, cet artisan agit concrètement sur le terrain.
Son parcours professionnel témoigne d’une France qui travaille, loin des bureaux climatisés de la capitale. Titulaire d’un CAP-BEP de menuisier agenceur, il a d’abord évolué dans le commerce, travaillant sur les marchés comme poissonnier. Cette expérience du terrain lui a forgé une mentalité pragmatique : apprendre sur le tas plutôt que d’attendre les formations théoriques promises par l’administration.
Un entrepreneur qui mise sur la transmission
En 2015, Allamargot lance son entreprise de peinture en bâtiment et décoration. Après une parenthèse dans l’immobilier au Portugal entre 2017 et 2022, il reprend ses activités début 2025 avec un carnet de commandes bien rempli. Face à la demande croissante, il doit rapidement recruter du personnel qualifié. Mais plutôt que de se lamenter sur la pénurie de main-d’œuvre, il fait un choix stratégique : élargir aux personnes débutantes.
Cette démarche tranche avec l’attitude frilouse de nombreuses entreprises, souvent découragées par les contraintes administratives françaises. Selon les chiffres de France Travail, le secteur du bâtiment affiche un taux de demandeurs d’emploi de 7,2% en 2024, tandis que paradoxalement, les entreprises peinent à recruter. Cette situation illustre parfaitement les dysfonctionnements d’un système qui privilégie la théorie à la pratique.
L’artisan saintais rencontre huit candidats via France Travail. Parmi eux, Maxime Poirier, 22 ans, retient son attention. Malgré sa nervosité évidente, le jeune homme partage la même formation initiale que son futur employeur. « Je me suis projeté sur lui », explique Allamargot, qui privilégie l’intuition et l’expérience humaine aux grilles d’évaluation bureaucratiques.
Réinsertion : quand l’initiative privée supplée les carences publiques
L’engagement de Stève Allamargot ne s’arrête pas là. En mai, il pousse sa démarche plus loin en recrutant une jeune fille de 17 ans en réinsertion. Ophélie, après 18 mois de refus répétés, trouve enfin une oreille attentive. « Il était ma dernière chance », confie l’adolescente, révélant l’ampleur du problème social que les politiques publiques peinent à résoudre.
Cette situation met en lumière les défaillances du système éducatif français et des dispositifs d’insertion professionnelle. Pendant que les cabinets ministériels multiplient les plans d’action et les communications, des jeunes restent sur le carreau, victimes d’un système rigide qui ne leur laisse aucune marge d’erreur.
L’artisan exige une transparence totale de la part d’Ophélie sur ses difficultés passées, principalement liées à des problèmes de communication. Après une semaine d’essai concluante, elle signe un contrat d’apprentissage de deux ans. Son éducatrice constate rapidement les effets positifs : le sourire retrouvé, symbole d’une dignité reconquise par le travail.
Profil recruté | Âge | Situation initiale | Durée de recherche |
---|---|---|---|
Maxime Poirier | 22 ans | Menuisier débutant | 12 mois |
Ophélie | 17 ans | Réinsertion | 18 mois |
Un modèle économique viable face aux préjugés
Contrairement aux discours catastrophistes sur la jeunesse française, Allamargot prouve qu’une approche bienveillante mais exigeante porte ses fruits. Son entreprise a désormais embauché une troisième personne selon la même philosophie de transmission. Cette réussite interroge sur les véritables causes du chômage des jeunes dans l’Hexagone.
L’entrepreneur saintais refuse les généralités faciles sur une génération supposée paresseuse. « Arrêtons de généraliser, les jeunes n’ont pas tous la tête dans leur téléphone et ne veulent rien faire », martèle-t-il. Cette position va à l’encontre des préjugés véhiculés par certains médias et responsables politiques qui préfèrent stigmatiser plutôt que d’analyser les vraies causes structurelles.
Son succès repose sur plusieurs principes simples mais efficaces :
- La confiance accordée d’emblée aux candidats motivés
- L’investissement temps dans la formation pratique
- La transparence exigée dans les relations professionnelles
- L’accompagnement personnalisé de chaque apprenti
Cette approche pragmatique contraste avec les dispositifs publics souvent chronophages et bureaucratiques. Pendant que l’État français dépense des milliards dans des structures d’accompagnement aux résultats mitigés, un artisan de province montre qu’il suffit parfois de bon sens et de volonté pour résoudre concrètement le problème de l’insertion professionnelle des jeunes.