Le projet européen Scaf, censé remplacer Rafale et Eurofighter, est enlisé. Lancé en 2017 par la France et l Allemagne puis rejoint par l Espagne, le Système de combat aérien du futur (Scaf) peine à passer des promesses aux faits. Les divergences industrielles et politiques entre Dassault et Airbus et les tensions entre Paris, Berlin et Madrid menacent la mise en oeuvre du programme, estime-t-on dans les capitals.
Un programme stratégique mais fragilisé
Le Scaf est prévu pour fournir un avion de chasse de nouvelle génération, un système de drones connectés et une architecture de systèmes partagés, afin de garantir l autonomie stratégique européenne. Le démonstrateur devait entrer en phase concrète en 2026 et l appareil de remplacement entre en service vers 2040. Le budget total du programme est évalué par des experts à près de 100 milliards d euros.
Points de blocage industriels et politiques
La Direction générale de l armeée (DGA) a désigné Dassault Aviation comme maître d oeuvre français. Mais Dassault demande une révision de la gouvernance avant d engager la construction du démonstrateur, tandis qu Airbus, soutenu par l Allemagne et l Espagne, souhaite conserver le cadre initialisé lors de la phase 1B en 2023. Cette confrontation nourrit des reproches, notamment en Allemagne où certains accusent Dassault de traiter les partenaires comme des sous-traitants.
Fin août, le ministère allemand de la Défense a averti des « conséquences graves » pour les capacités et la participation de l industrie allemande si des concessions étaient accordées sans accord global. Des médias internationaux ont rapporté que Berlin étudierait des alternatives, y compris des collaborations renforcées avec la Suede ou le Royaume-Uni, ou une action conjointe avec l Espagne sans la France.
Dassault assure pouvoir avancer seul
Interrogé lors de l inauguration d une usine à Cergy, le patron de Dassault a affirmé que son groupe pouvait concevoir, fabriquer et produire un avion de sixième génération seul. La France a également declaré pouvoir financer et développer un appareil en dehors du cadre européen en cas d échec des négociations. Mais cette option soulève la question cruciale du coût et de la charge budgétaire dans un contexte de finances publiques tendues.
Calendrier diplomatique et concurrence mondiale
- Objectif affiché par Berlin et Madrid : trouver une solution d ici fin 2025, selon le chancelier Friedrich Merz.
- Une réunion entre les ministres de la Défense des trois pays est prévue en octobre pour tenter d avancer.
- Le Scaf subit la pression du projet concurrent GCAP (BAE, Leonardo, Mitsubishi) qui vise un appareil avancé pour 2035.
Au-delà des querelles industrielles, le débat illustre l enjeu majeur pour la France : conserver une capacité souveraine de conception d avions de combat tout en réussissant une coopération européenne complexe. Si le projet échoue, la diplomatie et l industrie européennes se trouveront face à un dilemme stratégique dont les conséquences pour l autonomie de défense du continent pourraient être lourdes.