Keir Starmer a choisi Shabana Mahmood pour diriger le Home Office britannique, un signal fort du virage migratoire du gouvernement travailliste. Ancienne ministre de la Justice, élue de Birmingham et figure du courant «Blue Labour», Mahmood hérite d’un dossier brûlant : réduire l’immigration illégale, accélérer les procédures d’asile et calmer la montée de l’extrême droite populiste au Royaume‑Uni.
Un profil politique clairement identifié
D’origine pakistanaise et de confession musulmane, Shabana Mahmood s’est imposée dans les rangs travaillistes comme une voix ferme sur le contrôle des frontières. Maurice Glasman, fondateur du Blue Labour, a salué sa nomination en la désignant comme la cheffe du mouvement au sein du parti. Ce courant, conservateur sur les questions sociales et critiques envers l’ancienne ligne pro‑immigration du parti, a contribué à remodeler le programme de Starmer en vue des élections.
Priorités annoncées
Mahmood a clairement indiqué vouloir «mettre fin à l’immigration illégale» et rétablir un sentiment d’équité dans les règles migratoires. Dans un entretien au Spectator, elle rappelait que sa circonscription de Birmingham est «à 70% non blanche» et que ses électeurs souhaitent des règles strictes et appliquées de façon égale pour tous.
Concrètement, la nouvelle ministre devrait accélérer le traitement des demandes d’asile, réduire les voies de recours et resserrer certaines catégories de visas — notamment en envisageant une baisse des visas étudiants et l’introduction de tests d’anglais — au risque d’alimenter des tensions avec les employeurs et les secteurs en manque de main d’œuvre.
Un contexte social et sécuritaire tendu
Le dossier arrive au moment où le Royaume‑Uni fait face à un nombre record de demandes d’asile : 111 000 demandes sur douze mois, une hausse de 20% en un an. Les hébergements temporaires dans des hôtels ont provoqué de vives réactions locales et des manifestations anti‑immigration, et les autorités explorent des solutions d’hébergement alternatives (bases militaires désaffectées, logements étudiants, entrepôts…).
Par ailleurs, la question de l’ordre public s’ajoute aux enjeux migratoires : l’organisation Palestine Action, interdite et classée «terroriste» par l’ancien Home Secretary Yvette Cooper, a multiplié les actions de vandalisme contre des infrastructures liées à la défense — dont des avions de la RAF pour un préjudice estimé à environ 7 millions de livres. Scotland Yard rappelle que la défense publique d’une organisation classée terroriste constitue désormais une infraction lourde, avec des centaines d’arrestations à la clé.
Objectif politique : contenir Farage et Reform UK
La nomination s’inscrit aussi dans une stratégie électorale : Starmer veut contrer la progression de Reform UK et de Nigel Farage en montrant qu’un parti travailliste rééquipé peut répondre aux préoccupations sur l’immigration. Le chef de cabinet du Premier ministre, Morgan McSweeney, est lui‑même proche des idées de Blue Labour, ce qui renforce la cohérence de la stratégie gouvernementale.
Parcours et expérience
- Élue à 30 ans, diplômée en droit du Lincoln College, Oxford.
- Parcours au sein du Labour : postes au «cabinet fantôme», notamment aux finances et à la Justice.
- Brève pause politique en 2015 après l’élection de Jeremy Corbyn, puis réélection en 2017.
Shabana Mahmood arrive au Home Office avec une feuille de route claire : durcir les règles, restaurer la confiance des électeurs inquiets par l’immigration et apaiser la pression populiste. Sa marge de manœuvre dépendra toutefois de l’équilibre entre fermeté politique, contraintes administratives et réactions de la société civile et des secteurs économiques dépendants de travailleurs étrangers.
