Taxe Zucman : débat constitutionnel relancé en France

La taxe dite « Zucman », mesure phare visant à imposer un impôt plancher de 2% sur le patrimoine des ultra-riches, relance un débat juridique important en France : est-elle compatible avec la Constitution et le principe d’égalité devant l’impôt ? Plusieurs professeurs de droit public interrogés jugent la question complexe et estiment qu’il est difficile d’être catégorique tant le dispositif est nouveau.

Les enjeux juridiques

Au cœur du contentieux potentiel : le principe d’égalité devant l’impôt inscrit à l’article 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Selon des juristes, ce principe interdit de faire peser une charge excessive sur une catégorie de contribuables. Le Conseil constitutionnel a, dans sa jurisprudence, défini un impôt « confiscatoire » comme celui qui contraint un contribuable à vendre une partie de son patrimoine pour s’en acquitter.

Arguments pour une possible inconstitutionnalité

  • Risque de caractère confiscatoire : des éléments de jurisprudence laissent penser qu’un taux élevé appliqué au capital pourrait être requalifié comme confiscatoire et donc contraire à la Constitution.
  • Plafonnement nécessaire : lors de la réforme de l’ISF en 2012, le Conseil constitutionnel avait exigé un plafonnement pour éviter des charges disproportionnées. Certains professeurs estiment qu’un mécanisme similaire serait requis si le taux dépasse environ 1,8%.
  • Inadaptation aux mécanismes d’optimisation : la taxe vise des patrimoines très importants, souvent protégés par des montages (holdings, patrimoine professionnel) rendant difficile l’application pure du principe sans ajustements.

Arguments en faveur de la taxe

Du côté des partisans, dont l’économiste Gabriel Zucman dont la proposition donne son nom à la taxe, l’objectif est double : rétablir une forme d’égalité fiscale en contraignant les ultra-riches à contribuer davantage, et abonder les caisses de l’Etat face à un déficit jugé excessif. Les défenseurs soulignent des études montrant que les plus fortunés paient proportionnellement moins d’impôts sur le revenu que d’autres catégories, en partie grâce à l’optimisation fiscale.

Position des constitutionnalistes

Plusieurs spécialistes interrogés nuancent les certitudes. Anne-Charlène Bezzina rappelle la primauté du principe d’égalité. Nicolas Vergnet souligne que la taxation du patrimoine est possible mais strictement encadrée. Jean-Philippe Derosier observe qu’un taux sans plafonnement pourrait vider la mesure de sa substance, tandis que Dominique Rousseau évoque la possibilité qu’un Conseil constitutionnel, saisi dans un contexte exceptionnel, valide une contribution transitoire destinée au service de la dette publique et à l’intérêt général.

Ce que vise la taxe

  • Assiette : patrimoines supérieurs à 100 millions d’euros.
  • Population ciblée : environ 1 800 foyers fiscaux les plus riches de France.
  • Objectif annoncé : établir un impôt plancher de 2% pour garantir une contribution minimale.

À ce stade, le dispositif n’a pas encore été examiné par le Conseil constitutionnel. Le débat porte autant sur la portée juridique de la mesure que sur ses effets pratiques : efficacité face à l’optimisation fiscale, risques de contentieux et nécessité éventuelle d’aménagements (plafonnement, mécanismes de transition) pour résister à un contrôle de constitutionnalité.

En bref : la taxe Zucman pose un dilemme juridique et politique : comment concilier la volonté de taxer fortement les très grands patrimoines et la protection constitutionnelle contre les charges fiscales excessives ? Les réponses dépendront en grande partie de l’argumentation retenue par le législateur et, le cas échéant, par le Conseil constitutionnel.

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