Un ressortissant français, Steeve Rouyar, est détenu à Lomé depuis plus de trois mois après son arrestation lors des manifestations du 6 juin. Poursuivi pour « troubles à l’ordre public aggravés » et pour « atteinte à la sûreté de l’État », il encourt des peines lourdes. Sa famille, installée en France, dénonce le manque d’informations et s’inquiète de son état de santé et des conditions de détention.
Les faits et les poursuites
Le 6 juin, une mobilisation inhabituelle a secoué Lomé: la jeunesse est descendue dans la rue pour protester contre l’arrestation de voix critiques, la hausse des prix de l’électricité et une nouvelle Constitution perçue comme un moyen pour Faure Gnassingbé de se maintenir au pouvoir. Trois jours plus tard, le parquet de Lomé a indiqué qu’une cinquantaine de manifestants avaient été interpellés, parmi lesquels un ressortissant français.
Selon une source ayant accès au dossier, Steeve Rouyar, 44 ans, expert-comptable, est poursuivi pour troubles à l’ordre public aggravés — faits qu’il aurait reconnus devant un juge d’instruction et qui sont passibles d’un à cinq ans de prison — et pour le chef plus grave d’« atteinte à la sûreté de l’État », qu’il nie et pour lequel la peine prévue est de 20 à 30 ans. La même source indique qu’il aurait participé à la fabrication de tracts avant son arrestation et qu’il est détenu au Service central de recherche et d’investigation criminelle (SCRIC).
La famille mobilisée et inquiète
La famille de M. Rouyar a appris son arrestation via les réseaux sociaux, relate son frère Mickaël. « Ça nous a fait un gros choc », confie-t-il, soulignant le peu d’informations reçues sur les circonstances de l’interpellation et les motifs exacts d’inculpation.
Son père, Dominique Rouyar, décrit des échanges téléphoniques alarmants: « Il est très amaigri. Je n’ai pas reconnu sa voix. On nous dit qu’il est détenu dans des conditions inhumaines, assis dans le noir toute la journée, sans promenade, sans suffisamment à manger, et qu’il dort à même le sol avec 11 codétenus. » Un comité pour sa libération, dont Astrid Michée est membre, affirme que M. Rouyar se disait « avec le peuple », précisant qu’il était venu au Togo pour ouvrir un cabinet d’expertise-comptable.
Profil et engagement
Originaire de Guadeloupe et ayant grandi en région parisienne, M. Rouyar s’était installé au Togo en novembre 2024. Âgé de 44 ans et père de deux enfants, il avait déjà mené des engagements politiques en Guadeloupe, se présentant à plusieurs reprises aux législatives sous l’étiquette du Nouveau front populaire où il n’avait obtenu qu’une part très faible des suffrages.
Sur son compte Facebook, dont le dernier message date du 6 juin, il critiquait la politique d’Emmanuel Macron, la vaccination anti-Covid et exprimait son soutien à la cause palestinienne. Il a aussi partagé des contenus favorables aux juntes au pouvoir au Mali et au Burkina Faso et relayé des messages panafricanistes critiquant la présence française en Afrique, des positions qui interrogent dans le contexte politique local.
Réactions officielles
Contacté, le Quai d’Orsay n’a pas commenté la situation, selon les informations disponibles. Du côté togolais, une source gouvernementale a assuré à la presse que « l’État de droit est bien respecté » et appelé à « laisser la justice faire son travail » en attendant la fin de l’instruction.
L’opposition togolaise affirme que la répression des manifestations de juin a fait sept morts, tandis que le parquet a évoqué cinq décès par noyade, illustrant le climat de tension et de versions divergentes sur les événements.
- Novembre 2024 : arrivée de Steeve Rouyar au Togo pour y ouvrir un cabinet.
- 6 juin 2025 : manifestation à Lomé; arrestation de M. Rouyar.
- Depuis plus de trois mois : détention au SCRIC et mise en examen pour plusieurs chefs, dont atteinte à la sûreté de l’État.
La situation juridique reste lourde: l’accusation d’atteinte à la sûreté de l’État expose M. Rouyar à une peine potentiellement très longue si elle était retenue. Sa famille et des soutiens réclament davantage de transparence et l’accès consulaire, alors que la procédure suit son cours au Togo.