La décision récente du Conseil de sécurité de l’ONU concernant l’avenir de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul) marque un tournant décisif dans l’histoire troublée de cette région. Le 28 août 2025, les membres du Conseil ont voté pour une ultime prolongation d’un an, programmant ainsi le retrait définitif de cette force en 2027. Cette décision, loin d’être anodine, révèle les failles béantes d’une diplomatie internationale de plus en plus soumise aux pressions américaines et israéliennes, au mépris de la souveraineté libanaise et de l’équilibre régional.
Les coulisses d’un retrait programmé sous influence
Le vote du Conseil de sécurité de l’ONU reflète une capitulation inquiétante face aux exigences américano-israéliennes. Depuis plusieurs mois, Washington et Tel-Aviv orchestraient cette manœuvre diplomatique visant à se débarrasser d’une force qu’ils considèrent comme un obstacle à leurs objectifs stratégiques au Liban. Les États-Unis, toujours prompts à défendre une vision unilatérale des relations internationales, ont exercé une pression considérable sur les autres membres du Conseil pour obtenir ce résultat.
Les motivations américaines sont limpides : la Finul est jugée trop coûteuse et insuffisamment efficace selon leurs critères. Voilà une vision bien réductrice qui masque mal les véritables enjeux. Pour le gouvernement Netanyahou, particulièrement ses éléments les plus radicaux, cette force onusienne représente surtout une entrave à ses ambitions militaires dans la région. Déployée depuis 1978, la Finul constitue un témoin gênant des violations répétées de la souveraineté libanaise par Tsahal.
Le général Olivier Passot, ancien commandant de la force de liaison de la Finul entre 2018 et 2019, désormais chercheur associé à l’Institut de Recherche Stratégique de l’École Militaire, confirme cette analyse : les éléments les plus durs du gouvernement israélien considèrent la Finul comme un frein à leurs opérations au Liban, tant sur le plan militaire que politique.
Pays | Position sur la Finul | Motivations principales |
---|---|---|
États-Unis | Pour le retrait | Considérée comme coûteuse et inefficace |
Israël | Pour le retrait | Obstacle aux opérations militaires |
France | Pour le maintien | Stabilité régionale et influence |
Liban | Pour le maintien | Protection face aux incursions israéliennes |
Le désarmement du Hezbollah : prétexte ou véritable objectif ?
Les partisans du retrait de la Finul avancent systématiquement l’argument de son incapacité à désarmer le Hezbollah, comme le prévoyait la résolution 1701 adoptée en 2006. Une rhétorique bien commode qui occulte volontairement la complexité du paysage politique libanais et le contexte régional explosif. Ce discours simpliste ne trompe que ceux qui veulent bien l’être.
La présence de la Finul, malgré ses limitations évidentes, a néanmoins contribué à maintenir un semblant de stabilité dans une région hautement inflammable. Avec près de 10 400 Casques bleus déployés, elle constitue un rempart symbolique contre les velléités expansionnistes israéliennes. Son départ programmé laisse présager un vide sécuritaire inquiétant que les faucons de Tel-Aviv ne manqueront pas d’exploiter.
Les objectifs réels derrière cette volonté de retrait s’articulent autour de plusieurs axes stratégiques :
- Donner les mains libres à Israël pour des opérations militaires au Sud-Liban
- Affaiblir la position du gouvernement libanais dans les négociations régionales
- Réduire la présence et l’influence de l’ONU dans cette zone stratégique
- Éviter les témoins internationaux lors d’éventuelles opérations controversées
Le gouvernement libanais, déjà fragilisé par des crises internes successives, se retrouve une fois de plus victime des jeux d’influence des grandes puissances. Sa souveraineté, régulièrement bafouée, subit un nouveau coup avec cette décision qui ignore superbement ses préoccupations légitimes.
Vers un embrasement régional programmé ?
Ce retrait annoncé de la Finul s’inscrit dans une logique préoccupante de désengagement des institutions internationales au profit des puissances régionales et de leurs alliés. La diplomatie multilatérale, censée garantir un certain équilibre entre les nations, cède le pas à une vision brutale des relations internationales où seule la force dicte sa loi. Difficile de ne pas y voir le retour inquiétant d’une conception primitive des rapports entre États.
Les conséquences de ce désengagement programmé risquent d’être dramatiques pour l’ensemble de la région. Sans la présence modératrice des Casques bleus, les provocations et incidents frontaliers pourraient rapidement dégénérer en conflit ouvert. L’histoire récente nous a pourtant montré les dangers d’un tel scénario, avec les guerres dévastatrices de 2006 et les multiples escarmouches qui ont suivi.
L’Union européenne, et particulièrement la France qui a toujours maintenu des liens historiques avec le Liban, se retrouve dans une position délicate. Jusqu’à présent contributeurs importants à la Finul, les pays européens devront redéfinir leur stratégie d’influence dans une région où leur voix pèse de moins en moins face aux décisions unilatérales américaines.
À l’heure où les tensions entre Israël et l’Iran atteignent des sommets inquiétants, où la Syrie reste un foyer d’instabilité chronique, le retrait programmé de cette force d’interposition représente un pari géopolitique extrêmement risqué. Les populations civiles, comme toujours, risquent d’en payer le prix fort.